La crise. Le thème était porteur. Avec l’économie du sport en temps de crise, les organisateurs des deuxièmes éditions des Assises Sporsora de l’économie du sport ne pouvaient pas mieux choisir. Plus de 300 représentants de l’écosystème du sport business français ont répondu à l’invitation. Non pas pour entendre une litanie de complaintes, mais bien pour échanger et envisager conjointement les ressorts nécessaires à la mise en place d’un cercle vertueux. Vers un nouveau modèle de croissance continuait l’intitulé du rendez-vous. C’est bien de cela dont les participants voulaient entendre parler. Sponsoring.fr était sur place.
Quelle crise ? Pas pour les détenteurs de droits. Pour les plus importants tout du moins. Protégés par des contrats pluriannuels, ils traversent la zone de turbulences sans encombre. Tout juste certains ont consenti de revoir les conditions du contrat et d’accorder quelques faveurs supplémentaires à leurs partenaires. La crise est plutôt à chercher du côté de l’activation des droits avec des budgets resserrés en attendant des jours meilleurs. Selon l’étude PwC, la période d’attente ne devrait pas s’éterniser dans le secteur du sport. A l’horizon de quatre ans, les revenus générés par ce secteur passeraient de 4,6 milliards d’euros en 2010 à 5,5 milliards en 2015, soit une progression de 3,7% en moyenne par an. Avec des niveaux de croissance encore plus importants les années paires. Celles des grands événements mondiaux (JO, Coupe du monde ou Euro de football). Une estimation qui ne comprend que le corps du sport business avec les droits de retransmission, les recettes de billetterie, les revenus issus du marketing et ceux du merchandising. La part du sponsoring progresserait de 37% à 40% en cinq ans.
Et si l’étude du cabinet d’audit est mondiale et anticipe notamment une forte croissance du côté de l’Asie, l’Europe, et la France en particulier, auront un rôle majeur à jouer. Notamment avec les arrivés des nouveaux stades et arénas. Denis Massiglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), s’inquiète d’abord du sport pour tous. Plus que de difficultés, on peut parler d’inquiétudes à avoir sur l’engagement des collectivités territoriales. Auront-elles demain les moyens de continuer à financer le sport ?, s’interroge le président du CNOSF.
Lors de l’atelier sur l’innovation en matière de sponsoring, il a été défini les trois piliers nécessaires au changement : créativité, valeurs, socialisation. Pour continuer d’augmenter sa visibilité, mais également apporter de la cohérence dans sa prise de parole, BNP Paribas cherche encore, près de 40 ans après l’installation de sa bâche de fond de court à Roland-Garros, à faire évoluer son engagement auprès du tennis. Nous sommes une marque glocale aime à résumer Sébastien Guyader, Responsable Marque, Sponsoring et Publicité Internationale de BNP Paribas. Nous avons créé un écosystème autour de notre plate-forme We are tennis. Ceci dans le but de rappeler que la banque n’est pas seulement le sponsor principal des Internationaux de France de tennis, mais également d’une multitude de tournois à travers le monde, des épreuves internationales (Coupe Davis et Fed Cup), du tennis amateur et du tennis handisport.
Cédric Girard, Directeur Marketing et Planning stratégique de Sportfive, estime que l’innovation vient de la rupture ou de contraintes. La rupture aujourd’hui est digitale. Une marque doit être capable d’entrer en conversation avec ses consommateurs et les influenceurs afin que les fans relaient son image, dit-il. La parole d’un ami est toujours plus forte que le message de communication délivrée par une marque, continue le responsable de chez Sportfive. Une marque et un détenteur de droits doivent travailler de concert afin de délivrer un message commun, ajoute-t-il.
Très attendue, l’ultime séance plénière a permis de confronter différents points de vue sur l’évolution des médias. Opportunité ou menace ? Laurent-Eric Le Lay, PDG d’Eurosport, a rappelé que le sport restait porteur pour la télévision en précisant que sans la télévision payante, le sport professionnel aurait du mal à se financer. Avis aux détenteurs de droits tentés de produire eux-mêmes leurs propres contenus… Nous sommes dans la passion qui déclenche de l’abonnement, analyse-t-il. Ce qui le rend optimiste sur le devenir d’une chaîne comme Eurosport. La nouvelle concurrence d’Al-Jazeera ne l’effraie pas non plus. La concurrence chez Eurosport, on la vit depuis vingt ans partout en Europe, dit-il. Le positionnement d’Al-Jazeera étant celui du premium, le nouveau venu n’est pas un réel concurrent du groupe pan-européen. François Morinière, Directeur général de L’Equipe, voit une opportunité dans cette nouvelle donne. Selon lui, la diffusion prochaine de la majeure partie d’un sport aussi populaire que le football, via des chaînes payantes, conduira à un intérêt grandissant des téléspectateurs pour les sports diffusés en clair. Ça tombe bien, L’Equipe HD vient d’obtenir auprès du CSA une fréquence sur la TNT gratuite…
Head of European Public Policy de la Premier League, Mathieu Moreuil est un spécialiste du droit communautaire. Selon lui, la principale menace aujourd’hui touche aux droits d’auteur battus en brèche sur Internet. Cela pose un réel problème aux détenteurs de droits, ajoute-t-il. La chasse au piratage de retransmission en direct d’épreuves sportives arrive avant l’autre menace recensée et qui tient à l’intégrité du sport. La corruption, via le live betting notamment, est mise à l’index.
Résumons-nous. Le sport ne connaît pas une crise aussi violente que d’autres secteurs économiques. On voit même de nouvelles marques se positionner (Li Ning, Burrda). Même s’ils se désengagent, les pouvoirs publics, régulièrement cités au cours des débats, doivent demeurer des moteurs dans les politiques de santé, lien social et d’aménagement du territoire via les grands équipements. Ces derniers sont attendus par toute la profession pour donner un coup de fouet au marketing sportif. Enfin, le développement de la culture du sport dans l’entreprise, via notamment le mécénat de compétence, est également perçu comme un levier important à actionner pour les années à venir. C’est ce que démontre une enquête de l’association Sporsora dévoilée au cours des Assises. Les entreprises cherchent un investissement économiquement juste et socialement utile. Elles veulent un retour sur objectifs. Mais elles demandent également à ce que celui-ci soit le reflet de leur citoyenneté.