C’est un homme de l’ombre. Mike Lee, l’homme clé du lobbying, défendra la candidature de Paris dans la course à l’organisation des Jeux olympiques de 2024.
Il est impossible aujourd’hui de gagner sans lobbying, estime Andrew Craig, rompu à l’exercice au fil des diverses campagnes qu’il a menées parfois à la victoire, comme avec les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en 2014, parfois à la défaite, comme dans le cas d’Annecy 2018. La dernière semaine est souvent décisive. Pour Sotchi, la dernière semaine de lobbying a été cruciale, se souvient celui qui avait interdit à Vladimir Poutine de s’adresser en russe aux membres du Comité international olympique (CIO).
De Paris 2012, on a dit beaucoup de choses. Notamment que Londres devait sa victoire à un lobbying bien plus efficace que Paris. Depuis des mois, les acteurs du dossier de Paris 2024 cherchent à tirer les enseignements des précédents échecs et veulent se doter des meilleurs atouts. En même temps que l’officialisation de la candidature de Paris, ils ont embauché un homme clef au profil particulier. Ancien directeur de la communication et des relations publiques du Parti Travailliste anglais, du championnat d’Angleterre de football, et de l’UEFA jusqu’en 2003, le consultant anglais connaît bien les mécanismes du terrain médiatique et politique des sports. Ancien attaché de presse de Tony Blair, Mike Lee est désormais chargé de défendre le dossier parisien. On dit que c’est lui qui a fait gagner Londres en 2012. Mais aussi Rio pour les JO 2016 ou encore le Qatar pour la Coupe du monde de football en 2012. Il avait aussi accompagné Pyeongchang, organisatrice des JO d’hiver de 2018. Le lobbying, il connaît. Avec des méthodes particulières. Mike Lee dirige l’agence britannique Vero Communications. À l’intérieur, on trouve des détectives privés et des journalistes d’investigation. Ils ont ordre de tout savoir sur les membres du CIO.
L’essence de notre travail est de connaître les consommateurs (comprendre les votants), explique Mike Lee. Ils ont tous des caractéristiques, une histoire, une ambition différentes. Il faut les connaître pour savoir comment les aborder. Son fait d’armes ? En 2004 à Madrid, lors d’un match amical de football entre l’Espagne et l’Angleterre, les supporters madrilènes sont accusés de lancer des cris de singe et d’autres insultes racistes en direction des joueurs de couleur de l’équipe anglaise. Le hic, c’est que ce match avait été organisé pour la promotion de la candidature de Madrid 2012. Londres a alors su amplifier le point faible des supporters madrilènes pour salir l’image de Madrid, candidat concurrent pour les Jeux Olympiques du 2012. Mike Lee, directeur de la communication et des relations publiques de Londres 2012, a en effet mené une forte campagne de déstabilisation en utilisant la presse anglo-saxonne pour défavoriser l’image de la ville espagnole. Cette attaque a amené le maire de Madrid, Alberto Ruiz-Gallardón, à condamner dans les médias tout acte de racisme dans le monde sportif espagnol, décrédibilisant ainsi l’esprit sportif de Madrid pour accueillir les JO. Lors d’une élection, il n’est plus vraiment question de compétences. Elles ont été évaluées avant et les finalistes sont tous compétents, vous dira Mike Lee, la différence se fait sur de l’affectif, de l’irrationnel.
Dommage pour Paris 2024 que Madrid ne soit pas encore dans la course. La capitale espagnole est une cible privilégiée de Mike Lee. Après la campagne de 2012, l’Anglais avait à nouveau attaqué le dossier madrilène pour les JO 2016 et favoriser la candidature de Rio. Il avait encore diabolisé l’image de la ville de Madrid, ou bien en accusant l’Espagne d’utiliser des espions lors de l’évaluation par le CIO de la candidature de Rio. Une seconde fois, Madrid s’était retrouvée en réaction plus qu’en action.
Confier ce dossier à un Anglais est lourd de symbole. À l’époque de Paris 2012, Mike Lee avait joué sur les dissensions politiques à l’intérieur du dossier parisien pour déstabiliser la candidature. Son recrutement démontre que les porteurs de Paris 2024 ont tourné la page. Le choix de Mike Lee revient à Bernard Lapasset, président d’Ambition Olympique et Paralympique 2024, le comité de candidature. Lee et son équipe ont assisté Lapasset Bernard, le président de World Rugby, dans sa campagne victorieuse pour faire entrer le rugby à 7 aux Jeux olympiques.
À ce stade, le but est d’aider à l’élaboration d’une stratégie de campagne et la communication à l’international, détaille le Britannique dans Le Monde. À ses côtés, un autre consultant britannique spécialisé dans les candidatures olympiques devrait, selon Le Monde, travailler pour Paris 2024 dans un rôle complémentaire : Nick Varley, dont l’agence Seven46 est une filiale du groupe Havas et qui a participé aux candidatures de Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020, mais aussi à Annecy 2018.
Un marché des consultants restreint
Le lobbying olympique a toujours existé. Il s’est professionnalisé il y a une dizaine d’années après la disparition des visites systématiques des villes candidates par tous les membres du CIO. C’était en 1999. Les voyages des membres avaient donné lieu à trop de débordements et parfois de scandales. Un lobbyiste de renom, que certains préfèrent appeler stratégistes, est particulièrement onéreux. Combien ? Selon les dossiers à défendre, il demandera entre 10 et 50.000 euros par mois en honoraires. Ils ne sont qu’une poignée à se partager le gâteau des candidatures olympiques. Outre Mike Lee, on trouve Andrew Craig (Vancouver 2010, Sotchi 2014) et Jon Tibbs (Athènes 2004, Pékin 2008, Sotchi 2014).