Les sports mécaniques sont le territoire naturel d’expression des constructeurs automobiles. Mais ils ne suffisent plus à convaincre les consommateurs. Les enjeux de la communication poussent les constructeurs à explorer d’autres territoires d’expression à travers d’autres disciplines, dans le cadre d’une stratégie de sponsoring sportif globale. Explications.
Affirmer que l’automobile ne fait plus rêver serait exagéré. En revanche, il n’est pas interdit de constater que la pression environnementale et sociétale a transformé l’image de la voiture. Le plaisir de conduire existe toujours, mais les constructeurs doivent trouver de nouveaux relais pour communiquer auprès de leurs consommateurs. Le sport trouve toute sa place dans cet enjeu. Pas uniquement les sports mécaniques, devenus pour certains le symbole de la pollution. Une association que les constructeurs ont du reste eux-mêmes alimentée au travers de publicités sur la réduction des émissions de CO2 ou la baisse de consommation en carburant. L’idée que l’automobile pollue est désormais entrée dans les moeurs. Aussi, les constructeurs ne peuvent plus se contenter de la recherche de performance traditionnellement associée aux sports mécaniques. En investissant massivement dans le sport, près de 800 millions d’euros par an (hors sports automobiles) pour les 20 premiers constructeurs mondiaux selon une étude Sport+Markt, les marques viennent chercher des valeurs dites positives.
Les 20 premiers constructeurs mondiaux investissent 800 M en sponsoring, hors sports mécaniques
Comme celles que propose la voile, par exemple. La technologie reste présente (BMW avec la Coupe de l’America), mais la discipline renvoie également l’image d’un sport propre. En parallèle de son investissement dans les courses d’endurance face à Peugeot, l’Allemand Audi dispose de sa propre compétition de voile avec l’Audi Med Cup. A une autre échelle, mais pour des raisons similaires, Lexus (groupe Toyota) a fait du nageur Camille Lacourt l’un de ses ambassadeurs.
A chaque acteur sa stratégie et sa discipline
Ces choix de positionnement répondent à la fois à leur besoin d’illustrer leur métier, de travailler leur image et de se rendre plus populaire, justifie Laurent Martinez, directeur des études de KantarSport. Néanmoins, pour certaines marques haut de gamme par exemple, un sponsoring plus feutré, mais plus ciblé permet de toucher un public à fort pouvoir d’achat. Rajeunir son image est également une composante de l’investissement d’un constructeur automobile en dehors des sports mécaniques. Nous notons une présente grandissante des marques du secteur automobile dans les sports dits extrêmes, chacun espérant bénéficier du statut de primo acquérant, constate Laurent Martinez.
Le modèle Renault
L’implication dans un sport mécanique fait partie de l’ADN d’une marque automobile. Que ce soit en tant que constructeur ou motoriste, l’histoire de Renault est intimement liée à l’évolution de ces disciplines. Notamment celle de la Formule 1. L’implication de Renault est directement liée à son métier, la F1 lui offrant une vitrine internationale pour sa capacité à innover. Mais ce seul vecteur serait insuffisant pour nourrir une marque aussi ancrée dans l’histoire française.
Pour la France plus spécifiquement, Renault a choisi de s’associer au rugby afin de mieux répondre aux enjeux du groupe et de la marque en allant à la rencontre du grand public, son cur de cible. Depuis 2008, la firme au losange est partenaire officiel de la Fédération française de rugby (FFR) et voiture officielle du XV de France. Un engagement de trois millions d’euros par an pendant cinq ans. Le rapprochement avec l’un des actifs majeurs du sport français, le XV de France, vise à inscrire Renault dans le quotidien des Français et à renforcer la préférence de marque.
Guillaume Josselin : un territoire d’expression complémentaire
Pour ce faire, Renault multiplie les actions d’activation du partenariat autour du XV de France : visibilité terrain et textile d’entraînement des joueurs ; parrainage des retransmissions télévisées des rencontres du XV de France ; campagnes publicitaires autour des séries limitées XV de France (10 000 Clio et 5 500 Mégane) ou encore théâtralisation du réseau. Depuis 2008, Renault a plus que doublé sa notoriété spontanée en tant que partenaire du rugby en passant de 2 à 5% selon les baromètres de notoriété et d’image réalisés par KantarSport.
Cette association avec le rugby est en réalité le prolongement d’une collaboration plus ancienne, initiée par le réseau de la marque en région (Renault compte plus de 5 000 points de vente en France) dans un objectif d’animation de proximité. Guillaume Josselin, directeur marketing et communication de Renault France, parle d’un territoire d’expression complémentaire pour nourrir la relation avec nos clients et animer le réseau. C’est également un élément de différenciation avec la concurrence, justifie Thomas Laporte, responsable sponsoring et partenariats de Renault.
Peugeot, première marque automobile citée par les Français intéressés au sport
Renault n’est pas un cas isolé. En France, la présence des marques automobiles est importante, en nombre ainsi qu’au regard du nombre de disciplines couvertes, précise Laurent Martinez. Toutefois, force est de constater qu’en termes de mémorisation spontanée auprès des Français intéressés au sport, la première marque automobile ne se positionne qu’au 17e rang, précise-t-il. Il s’agit en l’occurrence de Peugeot (10,1 %), partenaire principal du Stade Toulousain en rugby, du FC Sochaux en football, mais également des Internationaux de France de tennis à Roland-Garros et qui donne aussi dans le golf avec la Peugeot RCZ Cup. Si l’on compare les marques automobiles entre elles, les marques françaises sont sur le podium en termes de mémorisation, constate Laurent Martinez. Toyota, anciennement partenaire de l’équipe de France de football (actuellement partenaire majeur de Valenciennes en Ligue 1) et Ford, partenaire depuis plusieurs années de la prestigieuse Ligue des Champions ferment le Top 5 du secteur automobile.
Précisons toutefois qu’aucun constructeur automobile n’a franchi le pas d’une communication excluant totalement les sports mécaniques… pour l’instant.
Investissement des constructeurs (hors sports mécaniques)
Football 31,70%
Autres 25,80%
Football américain 19,10%
Baseball 8,30%
Golf 7,70%
Basket-ball 7,40%
Source : Sport+Markt
Peugeot 10,1%
Renault 9,4%
Citroën 8,2%
Toyota 4,4%
Ford 3,8%