Le fabuleux contrat (42,6 millions d’euros annuels) signé entre la Fédération française de football (FFF) et Nike pour la fourniture de l’ensemble des équipements des équipes de France a démarré. Succédant à une ère Adidas particulièrement longue (1972-2010), l’équipementier américain a jusqu’en 2018 pour démontrer le bien-fondé de son onéreuse stratégie.
Un peu de design d’abord. Nike a opéré une nette rupture avec l’époque Adidas avec un maillot totalement bleu (entre le bleu nuit et le bleu azur) et très épuré, les motifs rouges ayant disparu. A moins que les joueurs de l’équipe de France n’aient l’étrange idée de joueur les manches retroussées. Différence aussi avec le passé pour le l’emblème de la FFF. Le coq perd ses couleurs pour devenir aussi blanc que le logo de Nike. Pour le sélectionneur de l’équipe de France, Laurent Blanc, ce nouveau maillot ressemble à la tunique de l’équipe d’Italie. Une formation que Nike a parrainée par le passé avant de laisser la place à Puma.
Cette fois, c’est le numéro 1 mondial des articles de sport qui prend la place de quelqu’un. Et pas de n’importe qui. Partenaire historique de la FFF, Adidas semblait destiné à le rester pour des décennies encore. Mais la volonté de Nike, déjà l’équipementier du XV de France et de l’équipe de France de basket-ball, de damer le pion à son rival sur le terrain du football a eu raison d’une situation figée depuis 1972. Ajoutons également le coup de génie de Noël le Graët, vice-président de la FFF en charge des questions économiques, qui a orchestré la manoeuvre de main de maître en faisant jouer la concurrence au moment opportun par le biais d’un appel d’offres. Une première pour la FFF. Avec l’aide de Sportfive ? L’agence marketing dit que oui, la FFF pense l’inverse. La justice pourrait avoir à traiter de ce dossier à plusieurs millions d’euros.
La FFF a rebondi en 2008 sur la bataille perdue par Nike en Allemagne
Il faut se souvenir que ce contrat venu d’ailleurs remonte à février 2008. A une époque particulière. L’équipe de France était encore vice-championne du monde. Elle ne s’était écrasée une première fois lors de l’Euro 2008 et n’avait pas été la risée du monde au Mondial sud-africain, deux ans plus tard. Sportivement, les clignotants étaient plutôt au vert. Economiquement aussi. Quelques mois auparavant, Nike avait manqué de peu de ravir un autre contrat historique à Adidas. Celui avec la Fédération allemande de football (DFB). La première fédération au monde. Alors que l’équipementier américain était le mieux-disant (Nike avait proposé 500 millions d’euros sur huit ans), la DFB avait fait jouer la préférence nationale pour renégocier son contrat avec Adidas (20 à 25 millions d’euros par an jusqu’en 2018).
Un échec curieux qui allait servir la FFF. En anticipant la renégociation du contrat d’équipementier, la FFF a surfé sur le désir de revanche de Nike. Le N.1 mondial a joué le jeu en écrasant son concurrent avec une offre qui ne peut pas se refuser. Le nouveau contrat avec Nike assure à la FFF un véritable jackpot sur plusieurs saisons : 320 millions d’euros sur sept saisons et demie entre le 1er janvier 2011 et la fin de la saison sportive 2017-2018 (date de fin également du contrat d’équipementier avec le Brésil), plus une dotation en équipements de 2,5 millions d’euros par an et des primes de résultats lors des grandes compétitions internationales. On est loin des 10 millions acquittés par Adidas en 2004, date du dernier renouvellement de contrat avec la FFF. Contre toute attente, le maillot de l’équipe de France est désormais le plus cher de la planète football !
Alors que le montant de l’investissement laisse sceptiques les plus optimistes, Nike entend le rentabiliser. L’équipementier escompte 103 millions de dollars de retombées d’ici à 2014, lorsque la Coupe du monde aura lieu au Brésil, en misant sur le lancement d’une gamme lifestyle et sur une communication basée sur le thème Vive le football libre !. Par chance, le hasard a bien fait les choses, le début de la collaboration entre la FFF et Nike intervient au moment même où le football français, et l’équipe de France en particulier, doit reconstruire son image après le désastre de 2010 et faire table rase de son passé. Un atout précieux en marketing. Mais que Nike ne pouvait pas connaître en 2008.