350 participants, 25 orateurs, une interruption consécutive à une invasion du siège du MEDEF par des militants de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les 3èmes éditions des Assises Sporsora étaient l’endroit où il fallait être jeudi 28 mars. Public et intervenants s’interrogeaient sur la compétitivité du sport français. Compétitivité plus économique que sportive. Entre le No compromise des Anglais, présenté par Liz Nicholl, Directrice générale d’UK Sport, et le modèle français que personne n’a cherché à imiter, le bon dosage reste à trouver.
Comme un symbole, c’est au moment même où Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel (LFP), s’exprimait sur la compétitivité du football français que le service de sécurité du MEDEF a ordonné l’évacuation de la salle, forçant les organisateurs à abréger les débats. Des ouvriers en grève de PSA venaient de faire irruption. Est-ce à dire que le terme de compétitivité est tabou dans le sport français ? Il ne l’était pas au cours de cette journée. Tous les intervenants se sont exprimés sur le sujet, livrant des pistes sur les leviers à actionner et les freins qui handicapent le sport-spectacle à la française.
On retiendra en particulier la diatribe d’Hubert Genieys contre l’enlisement de l’extension du site des Internationaux de France de tennis. Le directeur général communication institutionnelle et partenariats de Nestlé Waters est l’un des principaux partenaires de Roland-Garros avec la marque Perrier. En France, rien n’avance, tout est fait pour empêcher le succès comme c’est le cas dans le dossier de Roland-Garros, s’est-il emporté. Une vision partagée par beaucoup, mais qui simplifie quelque peu les faits dans un dossier éminemment politique.
AEG n’investit pas en France faute de création de valeur
La question du devenir du site des Internationaux de France pose en filigrane celle de l’attractivité de la France pour les investisseurs. Le Qatar répond à cette question. Mais son exemple est trop caricatural pour en faire une généralité. Mieux vaut s’appuyer sur l’avis de Matthieu Van Veen. Le vice-président d’AEG Sports Europe répond sans détour à la question de savoir si le co-propriétaire des Los Angeles Lakers, de l’O2 Arena de Londres et de l’O2 Arena de Berlin investirait en France : non. Pas en l’état actuel du marché dit-il, faut de création de valeur. Nous gérons des salles pour gagner de l’argent grâce à l’équipement, détaille Matthieu Van Veen. Or aujourd’hui, en France, nous serions seulement propriétaires de l’infrastructure sans pouvoir en gérer les contenus.
Cette création de valeur est au centre de la stratégie de Disneyland Paris. L’exposé de Julien Kauffmann, vice-président et Revenue Management de Disneyland Paris, est brillant. Quand d’autres se contentent de citer des préceptes marketing sur la satisfaction client, la relation client ou le parcours client, Disney l’applique. 100% des revenus de Disney viennent de nos clients, souligne Julien Kauffmann. La satisfaction client (16 millions de visites en 2012) est au coeur des objectifs. Est-ce véritablement le cas des clubs professionnels en France ? Chez Disney, le panier moyen est de 46 euros/jour dont 50% des recettes est assuré par les restaurants et les boutiques…
En qualité de directeur opérationnel de Vinci Stadium, Damien Rajot évoque pour sa part les droits du spectateur, en termes d’accessibilité, de sécurité, de propreté, de restauration, de stade connecté, d’information, de partage. Il précise que les animations proposées par le Stade Français version Max Guazzini, à sa grande époque, au Stade de France nécessitait un investissement de 150.000 euros. L’équivalent de 7.000 places environ.
Entre les lignes, les participants ont compris qu’entre exploitant, club et collectivités, chacun se renvoit la balle. Difficile dans ces conditions d’obtenir l’optimum dans la gestion d’un stade.
Le No compromise des Britanniques
Autre témoignage fort de la journée, celui de Liz Nicholl. La directrice générale d’UK Sport est venue détailler le modèle de cet organisme public. Inconnu jusqu’ici, le modèle anglais a explosé à la face du monde lors des Jeux olympiques de Londres (3e nation au tableau des médailles avec notamment 29 médailles d’or remportées, ndlr). Disons le tout de suite, le modèle déployé par les Anglais revient à lancer une bombe atomique sur le sport français. La structure concentre entre ses mains les relations internationales, l’accueil des grands événements et la performance sportive. 100 personnes sont employées par UK Sport, doté d’un budget de 147 millions d’euros par an. Le pays chantre du libéralisme s’appuie à 100% (ou presque) sur des fonds publics pour son financement. L’Etat abonde le budget à hauteur de 35%, la loterie nationale (idée reprise à la France) apporte le reste.
Sur la forme, UK Sport déteint déjà. Sur le fond, c’est une autre vision du monde du sport. La priorité est d’encourager le développement du sport élite, explique Liz Nicholl, même si cela doit se faire au détriment d’autres disciplines. Les Britanniques partent du principe que les succès obtenus dans le sport d’élite seront moteurs pour développer le sport de masse. La doctrine employée est simple : No compromise. Nous soutenons uniquement les athlètes qui ont une chance d’avoir une médaille, on ne peut investir de l’argent public dans des résultats aléatoires, précise la responsable britannique.
La France poursuit une stratégie isolée au sein de l’Europe communautaire
Au total, ils sont 1.400 athlètes à bénéficier du soutien d’UK Sport. Avec des droits et des devoirs. Chacun doit faire la promotion de son sport auprès des jeunes dans les écoles cinq fois par an. Les fédérations sont également soumises à un contrôle continu des performances réalisées. Une baisse de résultats et la subvention peut être remise en cause…
La Grande-Bretagne s’est donnée les moyens de ses ambitions. Pour le sport français, la décision est attendue de Bruxelles. Sophie Auconie, députée européenne et présidente du groupe de travail Les Amis du sport au Parlement européen, parle sans détour de distorsion de concurrence et de déséquilibre compétitif entre les Etats. Il y a une remise en cause à faire, une régulation à mener au niveau européen, ajoute Jean-Michel Aulas. Le président de l’Olympique Lyonnais appelle à une réforme du cadre juridique actuel pour faciliter l’arrivée de nouveaux actionnaires. Pour développer des stratégies efficaces, il faut se donner les moyens sur les plans structurel, culturel et économique. Il faut prendre des risques et les assumer. Toute ressemblance avec un modèle existant en France n’est évidemment pas fortuite. La France souffre d’un manque d’équité vis-à-vis des autres Etats membres sur le plan des prélèvements obligatoires, de la bonne gestion financière des clubs, des conditions fiscales ou du code du travail. Les règlements devraient être les mêmes pour tous, souligne Sophie Auconie, rappelant à tous que penser les réformes à la seule échelle d’un pays est aujourd’hui trop restrictif pour améliorer la compétitivité du sport français.