Ainsi qu’il ressort de trois arrêts rendus le même jour par le Tribunal de l’Union Européenne, un Etat membre peut exiger que l’intégralité de la Coupe du monde et de l’Euro de football soit retransmise sur des chaînes de télévision à accès libre.
Analyse des trois arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 17 février 2011 par Jean-Christophe André, Avocat associé DREPREZ GUIGNOT & Associés
L’article 3bis de la directive communautaire 89/552/CEE du 30 juin 1997 permet aux Etats membres d’interdire la retransmission exclusive par une chaîne de télévision payante d’événements considérés comme revêtant une importance majeure pour la société, afin qu’ils puissent être suivis par les téléspectateurs sur une télévision à accès libre. Cette directive confère à chaque Etat Membre la liberté de déterminer lui-même la liste des évènements d’importance majeure au sein de l’Etat concerné.
La FIFA contestait les listes
En France, cette liste, issue du décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004, comprend notamment certains matchs disputés pendant la Coupe du monde de football (match d’ouverture, demi-finales et finale) et l’Euro (demi-finales et finale). A la différence de la France, la Belgique et le Royaume-Uni ont inscrit sur leur liste l’intégralité de la Coupe du monde, ainsi que l’intégralité de l’Euro au Royaume-Uni. La FIFA et l’UEFA contestaient la validité de ces listes élargies au regard notamment des dispositions du Traité de l’UE relatives au respect du droit de propriété, à la liberté de prestation de services, à la liberté d’établissement et au droit de la concurrence.
1. Au préalable, le Tribunal a indiqué que : l’article 3bis, paragraphe 1, de la directive 89/552/CEE a concrétisé la possibilité qu’ont les Etats membres de restreindre, sur la base de raisons impérieuses d’intérêt général, l’exercice, dans le domaine de l’audiovisuel, des libertés fondamentales, établies par le droit communautaire primaire. […]. Les mesures envisagées par l’article 3bis visent à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements d’importance majeure pour la société.
2. S’agissant de l’atteinte au droit de propriété, le Tribunal a rappelé que cette protection pouvait contenir des restrictions justifiées par des impératifs d’intérêt général (en l’espèce, la protection du droit à l’information) et a souligné que la valeur des droits détenus par les requérantes sur l’organisation de ces évènements n’était pas annihilée puisque les listes litigieuses ne les obligeaient pas à céder ces droits à n’importe quelles conditions.
3. S’agissant de la prétendue violation de la liberté de prestation de services et de la liberté d’établissement, les requérantes soutenaient que les matchs de la Coupe du monde non prime et les matchs de l’Euro non gala n’étaient pas d’une importance majeure pour la société. L’inscription de l’ensemble de la Coupe du monde et de l’Euro constituait ainsi une entrave inappropriée et disproportionnée à la liberté de prestations de service et à la liberté d’établissement.
Le Mondial et l’Euro, événements d’importance majeure dans leur intégralité
Le Tribunal a rejeté cette argumentation après avoir démontré que le Mondial et l’Euro constituaient, dans leur intégralité, des événements d’importance majeure au Royaume Uni et en Belgique. Le Tribunal a souligné à cet égard que : le Mondial et l’Euro peuvent être considérés comme des évènements uniques et non comme des successions d’évènements individuels. En particulier, les résultats des matchs non prime ou non gala peuvent avoir une incidence sur la participation des équipes aux matchs prime ou gala et suscitent donc également l’intérêt du public.
4. Au titre de la prétendue violation de la liberté de concurrence, la FIFA et l’UEFA soutenaient qu’en raison du désintérêt des chaînes à péage pour l’achat de droits non exclusifs, les listes litigieuses étaient de nature à entraîner une diminution du nombre de concurrents opérant sur les marchés de l’achat de droits de diffusion des compétitions, de la retransmission des événements sportifs par des chaînes à péage et de la publicité télévisuelle.
Le Tribunal a balayé ce moyen en soulignant que la diminution du nombre de concurrents potentiels invoquée constituait une conséquence inéluctable des entraves à la liberté de prestation de services [lesquelles] sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et ne sont ni inappropriées ni disproportionnées.
5. En outre, les requérantes soutenaient que ces listes conféraient aux chaînes gratuites des droits spéciaux ou exclusifs, leur permettant d’abuser de leur position dominante sur les marchés de la retransmission du Mondial et de l’Euro. Le Tribunal a rejeté ce grief en relevant que l’interdiction d’acquérir les droits exclusifs de diffusion de la Coupe du monde et de l’Euro prévue par la loi britannique visait indistinctement les chaînes gratuites et payantes.
Ces arrêts pourraient inciter d’autres Etats membres (dont la France) à élargir leur liste d’évènements d’importance majeure, au grand dam des organisateurs de compétitions sportives et des éditeurs de chaînes de télévision payantes.