C’est officiel : le Vélodrome, stade de l’Olympique de Marseille, change de nom pour s’appeler « Orange Vélodrome », dans le cadre d’un accord de naming sur 10 ans. L’accord était attendu de longue date et devait donner le la du marché. Mais il est bien moins ambitieux que prévu et ne concerne nullement le club mais le gestionnaire du stade. Explications.
C’est vrai. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Nous adosser à Marseille en termes de naming pourrait brouiller les interprétations. Pourquoi ne pas le faire, dans ce cas, à Lille, Bordeaux ou Lyon ? On doit garder une certaine réserve. Qui a dit ça ? Patrick Figuères, directeur d’Orange Sud-Est. Nous étions en décembre 2014. Orange venait d’annoncer un partenariat exclusif et privilégié avec Arema (dont Bouygues est l’un des actionnaires), le gestionnaire du stade Vélodrome. L’accord était présenté comme le niveau le plus élevé de partenariat avec un stade. Avec une clause encore plus contraignante que l’obligation de conserver l’appellation « Vélodrome » dans le nouveau patronyme. Celle-ci interdisait à Arema de conclure un accord de naming avec un concurrent d’Orange. Si Orange avait alors reconnu qu’un partenariat-titre avait été imaginé, celui-ci n’était pas possible. Au-delà de notre attachement à la ville, nous sommes une entreprise internationale qui réalise 50 % de son chiffre d’affaires en France. On doit garder cette empreinte nationale, expliquait alors Patrick Figuères.
Le maire de Marseille, acteur décisif du dossier
Que s’est-il passé depuis ? Rien. En tout cas la justification donnée par Stéphane Richard, PDG d’Orange, peut laisser dubitative. Marseille et Orange, c’est un mariage qui existe depuis fort longtemps. Marseille c’est d’abord une ville où le groupe Orange est très présent. Près de 2.000 salariés y travaillent. Ça été la première ville 4G chez Orange en France. C’est la ville où nous avons la plus grande boutique Orange de France avec 600 m2 sur la Canebière. C’est bien, mais un peu mince pour un groupe de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Reprenons notre machine à remonter le temps. Décembre 2014 : Nous sommes déjà avec l’OM depuis treize ans, mais on veut marquer notre empreinte sur cette ville symbolique. Nous y employons 2.300 salariés, nous sommes installés à Euroméditerranée, avons notre boutique phare en France sur la Canebière. Nous avons lancé ici la fibre et la 4G, sommes partenaires des grands événements comme Marseille-Provence 2013 et accompagnons le développement économique. Le Vélodrome est une institution. Y associer notre nom est essentiel pour notre stratégie. Signé Patrick Figuères.
Dans cet accord, tout laisse à penser que la décision est moins stratégique que dictée par des considérations politiques. Le poids de la Ville de Marseille se ressent. Et ce n’est pas Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, qui pourra dire le contraire. Je peux le dire aujourd’hui, j’ai toujours souhaité que ce soit Orange, a avoué l’édile de la Cité Phocéenne. C’est plus qu’un symbole : la présentation ne s’est pas tenue au stade Vélodrome, mais à la mairie de Marseille. Les acteurs concernés avaient une excuse : le stade est réquisitionné pour les préparatifs de l’Euro 2016.
Il y avait urgence pour débloquer un dossier aussi compliqué. Des dizaines d’entreprises ont été approchées dans le monde entier. Aucune n’a été convaincue. Le nom d’Orange a souvent été cité. Les conditions n’étaient pas réunies, mais c’est vrai que le maire a été un avocat inlassable, concède Stéphane Richard. Les éléments financiers étaient différents. Aujourd’hui, les conditions sont acceptables. Pour Bruno Botella, le président d’Arema, l’alliance est naturelle.
Le contrat porte sur dix ans. Même si les différents acteurs ont refusé de le révéler publiquement – Jean-Claude Gaudin a invoqué la confidentialité des affaires – le montant s’élèverait à trois millions d’euros par an… au mieux. Dans les couloirs, on parle d’un contrat négocié moins de deux millions d’euros au final. Loin des six millions qu’espérait Bruno Botella dans le cadre du partenariat public-privé (PPP), lorsque sa société fut choisie pour le rénover. Ce contrat sera créateur de valeur au bénéfice de tous, préfère souligner le responsable d’Arema.
Pas pour l’OM. Simple locataire, l’Olympique de Marseille, qui est la tierce partie du PPP, ne touchera pas un centime du naming. On est très heureux pour la Ville, assure Vincent Labrune, le président de l’OM. C’est une très bonne nouvelle pour le club qui devrait pouvoir ainsi renforcer ses relations avec Orange dans la durée. Pour le contribuable marseillais, cela ne devrait pas changer grand-chose non plus. Dans le cadre du PPP, la Ville verse 23 millions d’euros de redevance par an à son gestionnaire dont 12 millions sont garantis par les recettes d’Arema. Dans cette somme, les recettes du contrat de naming étaient déjà intégrées. L’apport d’Orange n’allégera donc pas la note pour la Ville, mais elle cadrera enfin avec le business plan initialement prévu. Toutefois, la question de l’équilibre financier va revenir sur le tapis et même rapidement. L’accord trouvé avec l’Olympique de Marseille n’est que transitoire. Il s’achève à l’été 2017… Il prévoit aujourd’hui une part fixe de 4 millions d’euros, et une part variable si le chiffre d’affaires sur la billetterie dépasse 20 millions d’euros. Le cas échéant, la ville a droit à un intéressement de 20 % sur la part dépassant les 20 millions.
Rien pour l’OM, rien de plus pour la Ville
Reste à faire vive ce partenariat. On se lie à une marque (Vélodrome, ndlr) et un lieu forts. On ne va pas forcer les supporters à dire Orange Vélodrome. On veut progressivement installer cette identité, prévient le boss d’Orange. Il promet aux futurs spectateurs une expérience unique dans un stade connecté avec 1.000 bornes wifi permettant 20 000 connexions simultanées (dans un stade 67.000 places). La 4G sera déployée. Nous avons également décidé de créer une application pour vivre cette expérience connectée à travers une série de services comme la dématérialisation des billets, etc., ajoute le PDG d’Orange. On n’en saura pas plus. Pour connaître la date «d’inauguration» du Orange Vélodrome, il faudra attendre encore un peu. De même, en ce qui concerne l’inscription-même d’«Orange Vélodrome», la question reste ouverte.
En attendant, l’annonce a fait réagir Jean-Michel Aulas. Toujours à la recherche d’un partenaire-titre pour le Parc OL, le président de l’OL a appuyé là où ça fait mal. Ce n’est pas un partenariat entre l’OM et Orange, mais avec le gestionnaire du stade et l’opérateur dans le cadre d’un partenariat public privé. Une façon pour lui de se démarquer. Il a également ajouté : Ça ne me fait pas plaisir. J’ai eu Stéphane Richard, avant-hier car j’étais dans la confidence. On va regarder ce que ça change pour nous sur le plan des opérateurs. On avait l’engagement avec eux de ne pas aller chercher d’autres opérateurs pour le naming.