L’Allemagne ne badine pas avec le dopage dans le cyclisme. En quelques semaines, Dusserldof retire sa candidature pour accueillir une étape du Tour de France en 2010, ARD, imitée par la ZDF, renonce à diffuser la prochaine Grande Boucle et, coup de grâce, le Tour d’Allemagne est annulé.
Même si un coup de semonce avait été tiré lors de l’été 2007, l’annonce d’ARD de ne pas retransmettre le prochain Tour de France en a surpris plus d’un. Quand France Télévisions parle ne de pas diffuser les Jeux olympiques de Pékin si le direct est remis en cause, la télévision allemande ne tergiverse pas avec le dopage. La chaîne de télévision publique ARD renonce à diffuser le Tour de France en raison des nombreuses affaires de dopage qui secouent le monde du cyclisme. Et notamment en Allemagne. La valeur sportive du Tour de France a considérablement diminué en raison de la multiplication des affaires de dopage, indique le président d’ARD, Fritz Raff, à l’issue d’une réunion des dirigeants de la chaîne à Cologne. L’intérêt d’une diffusion a donc également considérablement diminué, ajoute-t-il. On peut difficilement être plus explicite.
La décision d’ARD fait suite aux dernières révélations de dopage sur le Tour 2008, notamment dans l’équipe allemande Gerolsteiner. Le coureur autrichien Bernhard Kohl, meilleur grimpeur du Tour et troisième au classement final à la surprise générale, a finalement reconnu s’être dopé à l’EPO Cera lors de l’épreuve. Son coéquipier allemand, Stefan Schumacher, a également été contrôlé positif lors de tests rétroactifs mais a jusqu’ici nié les faits.
Déjà en 2007
On se souvient qu’en 2007, les chaînes publiques ARD et ZDF avaient claqué la porte du Tour de France en pleine compétition, après l’annonce du contrôle positif du coureur allemand de la T-Mobile, Patrick Sinkewitz. En 2008, les deux chaînes étaient bien présentes dans la caravane du Tour. Mais la récente annonce du retour de Lance Armstrong a jeté comme un froid. Depuis deux ans, nous nous efforçons d’expliquer à nos téléspectateurs qu’une nouvelle génération arrive, que le cyclisme est en train de changer (…) Et là, Armstrong revient, peut-être Landis va revenir; ce ne sont pas des bons signes pour le cyclisme. Armstrong n’avait pas besoin de remonter sur un vélo pour faire campagne contre le cancer ; il est connu partout dans le monde, il peut faire des conférences. Pourquoi s’aligner une nouvelle fois au départ du Tour ? C’est de la provocation, avait jugé il y a quelques semaines Roman Bonnaire, responsable cyclisme pour la chaîne ARD. Le directeur des sports de France Télévisions, Daniel Bilalian, a réaffirmé de son côté son soutien à Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur de l’épreuve. Bilalian a expliqué que pour France Télévisions, qui est une entreprise de service public, le Tour n’est pas une simple compétition sportive : c’est un monument historique qui réunit chaque année en juillet une dizaine de millions de Français sur le bord de la route et autant devant leurs téléviseurs.
L’organisateur de l’épreuve a exprimé sa déception vis-à-vis de la décision de la chaîne et réaffirmé sa détermination dans la lutte contre le dopage. Malheureusement, (la décision de ARD pourrait) inciter ceux qui luttent contre le dopage à baisser les bras afin de s’assurer une diffusion, estime ASO. ARD demande qu’on lutte contre le dopage mais s’offusque lorsque l’on trouve des coureurs dopés. Il faudrait chercher et ne rien trouver. ASO a également tenu à préciser que les téléspectateurs allemands pourront toujours suivre la retransmission du Tour sur Eurosport.
On a l’habitude de dire que the show must go on. Pas en Allemagne. Cette première déflagration a été suivie d’une seconde. Le Tour d’Allemagne, plus grande épreuve cycliste dans le pays, n’aura pas lieu en 2009, toujours en raison des affaires de dopage en cours. Nous regrettons de prendre cette décision, a indiqué l’organisateur de la compétition, Kai Rapp. Mais les événements récents dans le monde du cyclisme professionnel ne nous permettent plus de commercialiser correctement cette épreuve et de la financer, a-t-il ajouté.
Le Tour d’Allemagne, organisé par la société Upsolut, une filiale de Lagardère Sports, a été relancé à la fin des années 1990 dans la foulée de la réussite de son cyclisme national, principalement à travers l’équipe Telekom et son porte-drapeau Jan Ullrich (vainqueur du Tour de France 1997). L’épreuve a intégré le ProTour, le circuit de l’élite monté par l’UCI, dès la création de ce dernier en 2005.
Une annulation à méditer
Cette annulation doit faire réfléchir tout le milieu du cyclisme, estime l’Union cycliste internationale (UCI). C’est une nouvelle douloureuse qui ne nous surprend pas complètement, indique le porte-parole de l’UCI. Elle doit faire réfléchir tout le milieu du cyclisme. L’UCI garde espoir qu’avec tous les efforts prodigués en matière de lutte antidopage, on sera capable de garantir rapidement à l’Allemagne les conditions pour que le cyclisme soit de nouveau apprécié par les sponsors, les médias et le public comme il l’a été, ajoute la fédération internationale.
Après ces décisions aussi spectaculaires que radicales, on peut penser que l’Allemagne en fait trop et surtout qu’elle fait du cyclisme le seul sport à vouer aux gémonies. Mais, comme dans bien d’autres domaines, il est aussi possible que l’Allemagne soit en avance sur les autres.