Toyota court toujours après sa première victoire aux 24 Heures du Mans depuis ses débuts en 1986. Cette année encore, le constructeur japonais est passé tout près de s’imposer. La Porsche N.2 de Romain Dumas, l’Allemand Marc Lieb et le Suisse Neel Jani lui a soufflé la victoire, à un tour du drapeau à damier. Un scénario incroyable qui a éclipsé le succès dans la catégorie LMP2 d’une voiture française : Alpine. Une victoire symbolique alors que l’avenir commercial de la marque longtemps endormie s’éclaircit.
Pour Alpine, il s’agit d’une ligne supplémentaire pour un palmarès déjà bien garni, mais qui datait. Nous n’avions pas caché notre ambition de remporter la catégorie LMP2 aux 24 Heures du Mans, rappelle Bernard Ollivier, Directeur général-adjoint Alpine. Pour ce faire, nous avons constitué avec l’équipe Signatech-Alpine un ensemble gagnant, constitué de six pilotes complémentaires, de deux Alpine A460 performantes et d’une équipe technique expérimentée. Auteurs d’une course parfaite sur la Signatech-Alpine n°36, Nicolas Lapierre, Gustavo Menezes et Stéphane Richelmi terminent également à la cinquième place du classement général. Quelle victoire pouvait mieux accompagner la renaissance d’Alpine en 2016 avec la présentation du nouveau modèle de série ?, se demandait le dirigeant à la fin de l’épreuve, pariant sur une performance, dont le retentissement sera mondial.
Cette victoire me procure beaucoup d’émotion, souligne Nicolas Lapierre. Représenter Alpine au Mans est vraiment très spécial. Sur place, les membres de l’écurie française disaient se sentir investis d’une mission particulière. A l’instar de Ferrari ou Ford, qui rééditent cette année leur duel des années 60, un demi-siècle plus tard dans la catégorie GTE-Pro, l’histoire d’Alpine est étroitement liée à celle du circuit des 24 Heures. On se sent investis d’une mission particulière (…) On s’efforce non seulement de véhiculer les valeurs mais de continuer à augmenter le palmarès de cette formidable marque, argumente le team-manager de l’écurie Signatech Alpine, Philippe Sinault. La livrée bleu de France du véhicule renforce cette impression. Nicolas Lapierre n’avait que 11 ans quand les dernières Alpine ont été commercialisées en 1995 des chaînes de l’usine de Dieppe (Seine-Maritime). Alpine, je connaissais, mais c’est plus la génération de mon père, explique-t-il. Quand je leur parle de la marque, ils ont les yeux qui brillent, ça représente quelque chose d’assez fantastique, assure-t-il.
Renault veut monter en gamme
Les signes d’une renaissance se sont multipliés depuis quatre ans. En 2012, un concept-car Alpine avait été présenté en marge du Grand Prix de Monaco de Formule 1. Un autre, l’Alpine « Célébration » avait effectué un tour de piste en prologue des 24 Heures du Mans l’année dernière. A l’issue d’une campagne sur les réseaux sociaux, le PDG de la marque au losange Carlos Ghosn avait officialisé cette relance en début d’année. Des doutes s’étaient fait jour en 2013-2014 après l’échec d’un partenariat avec le britannique Caterham qui aurait permis de réduire les coûts. Le projet devait beaucoup à Carlos Tavares, numéro deux de Renault passionné de sports mécaniques qui était passé à la concurrence début 2014 en prenant la tête de PSA Peugeot Citroën. Mais cette fois-ci, la renaissance est en marche. Renault a nommé le 15 février un nouveau patron pour la marque : le Néerlandais Michael van der Sande, jusqu’alors directeur du marketing du groupe au losange.
Les bénéfices en termes d’image pourraient être importants. La nouvelle Alpine peut constituer l’amorce d’une marque aux ambitions premium. Commencer par une voiture de sport va générer beaucoup d’intérêt, mais pas beaucoup de bénéfices. Ensuite, la marque pourrait s’orienter d’autres modèles, ce qui augmenterait sa visibilité et lui donnerait des perspectives à long terme. Alpine doit permettre à Renault de s’adresser aux acheteurs capables de mettre plus de 40.000 euros dans une voiture. Une cible très profitable que le groupe a perdue avec ses échecs passés dans le haut de gamme.
Le mythe Alpine attire toujours les passionnés à en juger par l’affluence autour de l’A110 championne du monde des rallyes au début des années 1970, exposée au QG manceau d’Alpine. Ce sont les vrais passionnés qui sont là. Ca ne fait que trois mois que je suis dans l’équipe Alpine, et si j’ai un rapport d’étonnement positif, c’est la profondeur de la passion pour Alpine qui existe toujours, assure le nouveau directeur général. L’usine historique de Dieppe est mobilisée et vient d’embaucher pour industrialiser ce modèle attendu en concessions l’année prochaine. Une fois qu’elle sera prête, la « berlinette du XXIe siècle » a vocation à courir elle aussi, révèle-t-il. Notre priorité absolue maintenant, c’est de terminer le développement de la voiture de route et, dans plusieurs années, on va sans doute se mettre sur la compétition, annonce le dirigeant.